Entretien avec un coffee hunter, l'homme qui déniche des pépites
Un acteur mal connu de la chaîne du café, le coffee hunter, ou, de manière moins sexy, l'importateur exportateur de café. Pour en savoir plus sur ce métier passionnant, nous avons échangé avec Pierre, fondateur de CATA EXPORT nous parle du «café des fêtes» torréfié par Mick des Cafés de Mick, présent dans notre box de Mars. Son métier ? Trouver de supers cafés, les proposer à des torréfacteurs à travers le monde, et gérer toute la partie logistique de l'exportation / importation. Il nous raconte tout ici.
Salut Pierre. Avant tout, raconte nous comment tu es arrivé dans ce métier ?
Je suis arrivé au café de spécialité grâce à Catalina qui est aussi bien ma compagne dans la vie que dans la compagnie. Nous nous sommes rencontrés à Londres ou nous vivions tous les deux, elle était barista pour Rosslyn et j’étais un musicien actif internationalement et gérant d’un théâtre. Elle avait arrêté sa carrière de graphiste pour se dédier au café de spécialité avec l’intention de monter sa compagnie d’export dans sa Colombie natale. Entre sa passion et sa connaissance du café et mon habitude d’entreprendre, on s’est lancé dans l’aventure tous les deux !
Super, mais du coup, comment t’es-tu formé ?
Intégralement sur le tas et de manière pratique! Catalina m’a tout d’abord transmis tout ce qu’elle savait sur le contrôle de qualité et les nécessités d’un coffee shop et après on a appris des process et d’agronomie en visitant des fermes, on a appris la dure réalité de la logistique internationale et de l’import/export tout simplement en le faisant (et en commettant d’inévitables erreurs!), idem pour la préparation du café à l’export, le marketing digital, la photographie, monter une page web, le relationnel avec les caféiculteurs, la comptabilité colombienne (fun!), l’analyse physique et sensorielle du café, les différentes méthodes d’extraction, etc… Quand tu n’es que 2 dans une entreprise tu dois savoir absolument tout faire, on a commis énormément d’erreurs et même si on continue d’apprendre tous les jours on commence à être un stade de connaissance solide.
Comment trouvez- vous les fermes avec lesquelles vous avez envie de travailler?
C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin! Le premier voyage que l’on a fait a duré 3 semaines, tous les deux dans notre pick-up a frapper aux portes des fermes dans le Huila, Tolima, Risaralda, Caldas, Boyaca pour finalement amasser une quantité d’échantillons dont seulement 1 café nous plaisait. Ca n’aura pas été inutile car grâce à ce voyage on nous a par la suite recommandé d’autres caféiculteurs et petit à petit on a créé un groupe solide de caféiculteurs qui produisent des cafés spectaculaires!
Comment vous faites vous un premier avis à partir du café vert?
On procède de deux façons, la première est free, on torréfie les échantillons, on cup, et on retient les lots qui sortent vraiment de l’ordinaire. La deuxième est sur demande, c’est-à-dire qu’un torréfacteur nous demande un certain profil ou une certaine variété avec des notes gustatives spécifiques et on commence à le chercher.
Comment goûtez vous les cafés et sélectionnez vous les cafés à proposer aux torréfacteurs?
Cela dépend de la relation de travail mais l’idéal est lorsque l’on connaît bien le torréfacteur pour avoir travaillé plusieurs fois avec lui. À ce moment-là tu peux te faire une sorte de carte de profils/variétés/prix qui lui correspond et proposer une offre sur mesure.
Comment adaptes tu tes propositions aux différents torréfacteurs?
Si un torréfacteur ne veut que des process expérimentaux, je ne vais pas lui proposer de café lavé classique, ou si un torréfacteur à une limite budgétaire je ne vais lui proposer des cafés à des prix élevés. Notre travail est vraiment basé sur le dialogue autant avec le torréfacteur qu’avec le caféiculteur pour que tout le monde s’y retrouve, ça prend un peu de temps au démarrage mais c’est cet échange qui fait que c’est un beau métier!
Quel est le rôle des exportateurs de café dans la rémunération des caféiculteurs?
Au final l’exportateur a une grosse responsabilité qu’il ne doit vraiment pas prendre a la legere car il va impacter de manière directe la qualité de vie du producteur en fonction du prix d’achat ; mais il va également influencer indirectement le prix de vente au consommateur en fonction du prix du vente au torréfacteur. Il faut donc vraiment prendre en compte tous les aspects éthiques au moment d’établir les prix et s’affranchir du cours boursier qui au final n’a pas beaucoup de validité dans la réalité quotidienne d’un producteur ou d’un torréfacteur.
Quelle est selon toi la grande différence entre les fermes de café de spécialité et les fermes de commodité?
Bien sur! Le café de commodité et le café de spécialité sont presque deux produits différents et c’est flagrant lorsque l’on observe le mode de production. Ça commence par l’état général des infrastructures, lorsque l’on est exigeant avec la qualité on doit travailler dans un environnement propre et bien entretenu, pensez à une cuisine d’un chef étoilé et la cuisine d’un bouiboui ouvert à 4h du mat’, les deux font certes de la nourriture mais pas de la même manière. Ensuite, sans entrer dans les détails trop techniques de la manière de cueillir les cerises, de les trier, de les transformer, tout est différent entre commodités et spécialités, comme disent les anglais Devil’s in the details.
Parle-nous d'un café que tu as trouvé récemment.
Yenni Esperanza fait partie de la fratrie propriétaire de Finca el Paraiso, dans le Cauca, une ferme qui nous a été recommandé par Nestor Lasso, un caficulteur avec qui nous travaillons dans le Huila. Il savait que nous cherchions en permanence des cafés d’exceptions et cette ferme a été une grande découverte pour nous!
Qu’est -ce qui t’a particulièrement plu dans ce café ?
Tout d’abord la fragrance est incroyablement fruitée et expressive, ensuite en tasse ce fut une explosion de framboise à laquelle on ne s’attendait vraiment pas! Comme nous faisons tous nos cupping a l’aveugle, la surprise fut d’autant plus grande qu’il s’agissait d’un castillo lavé. Pour mettre les choses en contexte, les castillos process lavés servent plutôt pour les cafés de commodité car ils peuvent se produire à très grand volume sans attributs sensoriels particuliers. Juste en cuppant ce café on pensait plutôt que c’était un bourbon ou une variété exotique avec un process naturel, ce fut réellement une claque!